La Fondation Querini Stampalia (une des institutions culturelles vénitiennes les plus dynamiques) occupe un palais construit au XVIe siècle, mais plusieurs fois modifié par la suite, et notamment à la fin du XVIIIe. La décoration du portego (grand salon central) fut ainsi réalisée de 1789 à 1790, en préparation des noces, célébrées le 12 octobre 1790, entre Alvise Querini, qui, à partir de 1795, sera le dernier Ambassadeur de la Sérénissime République à Paris, et la jeune patricienne vénitienne Maria Teresa Lippomano.
Au palais Querini, l’ensemble décoratif résulta de la collaboration entre le peintre Jacopo Guarana, l’ornemaniste Giuseppe Bernardino Bison et les frères Giuseppe et Pietro Castelli, qui exécutèrent les stucs. L’influence néoclassique se manifeste dans la multiplication des effets de symétrie, la compartimentation des espaces muraux et la sobriété des motifs ornementaux. Au plafond, les fresques de Guarana (une Allégorie de l’Aurore entourée de peintures monochromes sur des thèmes mythologiques et allégoriques) se montrent en revanche encore sensibles aux modèles du rococo tardif, qui avaient trouvé en Giambattista Tiepolo leur plus extraordinaire interprète. Avec cette splendide réalisation, l’école vénitienne donnait la preuve de sa capacité d’assimiler le langage figuratif de la modernité, tout en demeurant fidèle à sa tradition.
Lors de la restauration du portego, achevée par le Comité Français pour la Sauvegarde de Venise en 1997, on a procédé au refixage des ornementations en marmorino (technique artisanale typiquement vénitienne imitant le marbre), à la consolidation des couches picturales, au nettoyage des fresques et à la réintégration des lacunes. La pièce a ainsi retrouvé l’équilibre raffiné de ses couleurs et surtout sa splendide luminosité d’origine.
En juillet 2000, a été rouverte au public la chambre de l’ambassadeur Querini, elle aussi restaurée par le Comité Français. Ici encore, les fresques du plafond illustrant des thèmes allégoriques et les stucs polychromes datent de 1789-1790, mais expriment plus résolument l’adhésion aux critères néoclassiques. L’état des finances de la famille ne permettant pas de dépenses somptuaires, une partie du mobilier fut empruntée à la chambre des parents d’Alvise ; seuls, le lit et deux commodes furent spécialement fabriqués pour lui. Les travaux de restauration ont permis de restituer aux peintures toute la vivacité de leur coloris et la lisibilité de leur composition. La pièce se présente à nouveau sous l’aspect intime qu’elle avait à la fin du XVIIIe siècle, celui d’un lieu de repos et de prière, avec, accrochés aux murs, les Sept Sacrements de Pietro Longhi.