Le Comité Français pour la Sauvegarde de Venise a une origine « accidentelle », la dramatique inondation de novembre 1966, suivie d’un appel de l’Unesco invoquant pour la deuxième fois dans l’histoire la notion de « patrimoine commun de l’humanité ». L’ambassadeur Gaston Palewski, président du Conseil Constitutionnel, l’un des plus anciens compagnons du Général de Gaulle, y répondit en créant un Comité de liaison au sein de France-Italie (1967-1969) puis le Comité français pour la sauvegarde de Venise (1969) qu’il présida jusqu’à sa mort (1984). Lui succéderont l’ambassadeur Gérard Gaussen (1985-1999) puis Jérôme-François Zieseniss (depuis 1999). Des raisons plus profondes expliquent la pérennité d’une association qui fêtera bientôt son cinquantenaire : les liens historiques entre la France et Venise (ce qui n’est pas le cas par exemple pour les Etats-Unis et l’Angleterre qui ont créé leurs propres comités pour Venise), liens qui font actuellement l’objet d’une réévaluation en ce qui concerne la période napoléonienne sous l’effet de l’action du Comité. Plus fondamentalement encore, la sauvegarde de Venise prend tout son sens lorsque l’on considère la cité lagunaire comme une œuvre d’art exceptionnelle qui « dérange » nos rapports ordinaires au monde et qui doit être transmise intacte aux générations futures, comme un point de référence sans équivalent pour la recherche d’un équilibre entre architecture et nature dans une ville à l’échelle humaine.
De ces deux sources, l’accidentelle et l’essentielle, découle la double vocation du Comité :
– la restauration de monuments, tels que la Basilique de la Salute et le Casino Venier par G. Palewski, plusieurs pièces de la Fondation Querini Stampalia par G. Gaussen. Depuis onze ans, le Comité s’attache à faire renaître un grand monument étrangement « oublié » au cœur de Venise, place Saint Marc, le Palais Royal : les 17 pièces en cours de restauration par le Comité français seront incluses dans le musée Correr, qui doublera ainsi de superficie devenant le « Grand Correr ». Véritable encyclopédie des arts décoratifs vénitiens au XIXè siècle, le Palais Royal sera le chaînon manquant de l’histoire de l’art, entre la fin de la Sérénissime et le début de la Biennale. Les financements entièrement privés réunis par le Comité sont dus à la générosité éclairée d’organisations (la Fondation Florence Gould, le World Monuments Fund, notamment), d’entreprises (la Maison Rubelli, le Groupe LVMH, Hermès) et de particuliers. Cette action dans le domaine du patrimoine est complétée par des dons au musée Correr (statue de Napoléon, album d’aquarelles du palais royal) et prolongée par un soutien à des institutions culturelles (Alliance française de Venise, Gran Teatro La Fenice).
– la vigilance, les comités étrangers devant être les « watch dogs » de Venise selon la formule de Sir Ashley Clarke. Pour persévérer dans son être, Venise doit faire face au défi de la « marchandisation » de la culture, résultat du désengagement financier de l’Etat et des appétits qu’elle fait naître. Le risque majeur aujourd’hui étant la « Disneylandisation » dont témoigne par exemple le projet récent de roues panoramiques géantes, bloqué in extremis par la Surintendante des Monuments et du Paysage. Venise doit aussi affronter la problématique de la modernité, récurrente depuis les choix napoléoniens et qui se manifeste aujourd’hui par le projet de métro pudiquement baptisé « Sub-lagunare ».